Page:L’Arioste - Roland furieux, trad. Reynard, 1880, volume 1.djvu/293

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tel dommage à celle de gauche, qu’il creva au misérable le seul œil avec lequel il pouvait voir encore la lumière. Le coup prodigieux ne se contenta pas de l’aveugler ; il l’envoya rejoindre les esprits que Chiron, avec ses compagnons, garde dans des marais de poix bouillante.

Il y avait dans la caverne une grande table, épaisse de deux palmes et de forme carrée. Posée sur un pied grossier et mal poli, elle servait au voleur et à toute sa bande. Avec la même agilité que l’on voit l’adroit Espagnol jeter et rattraper son fusil, Roland lance la table pesante à l’endroit où se tenait groupée toute cette canaille.

Il rompt à l’un la poitrine, à l’autre le ventre, à celui-ci la tête, à celui-là les jambes, à un autre les bras. Les uns sont tués du coup, les autres sont horriblement blessés. Les moins grièvement atteints s’empressent de fuir. Ainsi, parfois, un gros rocher, tombant sur un tas de couleuvres, qui, après l’hiver, se chauffent et se lissent au soleil, leur écrase les flancs et les reins, et leur broie la tête.

Divers cas se produisent, et je ne saurais dire combien : une est tuée, une s’échappe sans queue, une autre ne peut se mouvoir par devant et sa partie postérieure en vain s’agite et se dénoue. Une autre, plus favorisée, rampe en sifflant parmi les herbes et s’en va en serpentant. Le coup de la table fut terrible ; mais il ne faut pas s’en étonner, puisqu’il fut porté par le valeureux Roland.

Ceux que la table avait peu ou point blessés —