Page:L’Arioste - Roland furieux, trad. Reynard, 1880, volume 1.djvu/329

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Celui qui pourrait compter l’armée que le roi Agramant a rassemblée contre Charles, pourrait aussi compter tous les arbres des forêts qui se dressent sur le dos ombreux de l’Apennin, les flots de la mer qui baigne les pieds de l’Atlas en Mauritanie, alors qu’elle est le plus en fureur, ou les étoiles que le ciel déploie à minuit sur les rendez-vous secrets des amoureux.

Les campagnes résonnent au bruit des coups répétés et lugubres des cloches. Une foule innombrable remplit toutes les églises, levant les mains et implorant le ciel. Si les trésors de la terre étaient aussi prisés de Dieu que des hommes aveugles, le saint consistoire aurait pu en ce jour obtenir une statue d’or pour chacun de ses membres.

On entend les vieillards vénérables se plaindre d’avoir été réservés pour de pareilles angoisses, et envier le bonheur de ceux qui reposent dans la terre depuis de nombreuses années. Mais les jeunes hommes, ardents et vigoureux, qui se soucient peu des dangers qu’ils vont affronter, et qui dédaignent les conseils des plus âgés, courent de toutes parts aux murailles.

Là étaient les barons et les paladins, les rois, les ducs, les marquis et les comtes, les soldats étrangers et ceux de la ville, tous prêts à mourir pour le Christ et pour sa gloire. Ils prient l’Empereur de faire abaisser les ponts afin qu’ils puissent courir sus aux Sarrasins. Charles se réjouit de leur voir tant d’ardeur dans l’âme, mais il ne veut pas les laisser sortir.