Page:L’Arioste - Roland furieux, trad. Reynard, 1880, volume 1.djvu/337

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

fond du fossé jusqu’au bord, tout en soit rempli, et qui tiennent prêts des vases

Remplis de salpêtre, d’huile, de soufre et d’autres matières pareillement inflammables, les nôtres, dis-je, pour faire payer cher leur folle ardeur aux Sarrasins qui étaient dans le fossé, et cherchaient à escalader le dernier rempart, à un signal donné font de tous côtés éclater l’incendie.

La flamme, d’abord éparse, se réunit en un seul foyer qui, d’un bord à l’autre, remplit tout le fossé, et monte si haut dans le ciel, qu’elle pourrait sécher le cercle humide qui entoure la lune. Au-dessus roule une nuée épaisse et noire qui cache le soleil et éteint la clarté du jour. On entend des détonations continues, semblables au bruit formidable et lugubre du tonnerre.

Un concert horrible de plaintes, une épouvantable harmonie de reproches amers, les hurlements, les cris des malheureux qui périssent dans cette fournaise par la faute de leur chef, se mêlent d’une manière étrange au sifflement féroce de la flamme homicide. C’est assez, seigneur, c’est assez pour ce chant. Ma voix s’enroue, et je désire me reposer un peu.