Page:L’Arioste - Roland furieux, trad. Reynard, 1880, volume 1.djvu/52

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

direction. Par des coteaux escarpés et non moins affreux, je pris la voie qu’Amour me montrait, et j’allai là où il me parut que ce ravisseur emportait mon confort et ma paix.

« Six jours j’allai, matin et soir, à travers des précipices et des ravins horribles et ignorés, où n’était ni chemin, ni sentier, où l’on ne voyait trace de vestiges humains. Puis j’arrivai dans une vallée inculte et sauvage, entourée de berges et de cavernes effroyables. Au milieu, sur un rocher, était un château fort et bien assis, et merveilleusement beau.

« De loin il projetait de flamboyantes lueurs et ne paraissait être ni de briques, ni de marbre. Plus j’approchai de ses murs splendides, et plus la construction m’en parut belle et admirable. J’ai su depuis comment les démons industrieux, évoqués par des enchantements et des chants magiques, avaient entièrement entouré cette belle demeure d’un acier trempé dans les ondes et les feux de l’enfer.

« Chaque tour reluit d’un acier si poli, que la rouille ni aucune souillure ne peut le ternir. Nuit et jour, l’infâme voleur parcourt les environs, et puis il vient se cacher dans le château. Impossible de mettre à l’abri ce qu’il veut enlever. On ne peut que blasphémer en vain contre lui et maudire. C’est là qu’il tient ma dame, ou plutôt mon cœur, et de la recouvrer jamais, j’ai perdu tout espoir.

« Hélas ! que puis-je autre chose que contempler de loin la roche où mon bien est enfermé ? Ainsi le renard, qui d’en bas entend son petit crier dans