Page:L’Arioste - Roland furieux, trad. Reynard, 1880, volume 3.djvu/107

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

mes vers n’ont-ils la force qui leur manque ! J’appellerais à mon secours cet art qui prête tant d’attraits aux paroles pour que dans mille et mille ans, et plus encore, le monde retentît de ton nom illustre. Va-t’en en paix vers les demeures éternelles, et laisse aux autres femmes l’exemple de ta fidélité.

À cet acte incomparable et stupéfiant, le Créateur tourna, du haut du ciel, ses regards ici-bas, et dit : « Je fais plus de cas de toi que de celle dont la mort fut cause que Tarquin perdit son royaume. Et pour ce, parmi toutes mes lois que le temps ne doit jamais détruire, j’entends en établir une sur laquelle, je le jure par les eaux inviolables, les siècles futurs n’auront aucune prise.

« Je veux qu’à l’avenir chaque femme qui portera ton nom soit douée d’un esprit sublime, et qu’elle soit belle, gente, courtoise et sage, et qu’elle parvienne au plus haut degré de l’honneur. Par quoi, les écrivains auront sujet de célébrer ton nom illustre et digne de louanges ; de sorte que le Parnasse, le Pinde et l’Hélicon répètent sans cesse : Isabelle, Isabelle. »

Dieu dit ainsi, et tout autour de lui l’air devint serein, et la mer s’apaisa comme en ses jours de plus grand calme. L’âme chaste retourna au troisième ciel, où elle se retrouva dans les bras de son cher Zerbin. Le féroce païen, nouveau Bréhus sans pitié, resta sur la terre, plein de honte et de remords. Quand il eut cuvé le vin qu’il avait pris en trop, il déplora son erreur et en fut très contrit.

Il pensa apaiser ou satisfaire en partie l’âme