Page:L’Arioste - Roland furieux, trad. Reynard, 1880, volume 3.djvu/127

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Mais plus que le roi, plus que tous les autres, la belle fille du roi Stordilan fait dépense de paroles pour apaiser le Tartare. Suppliante, elle le prie ; elle se lamente et gémit. Elle le conjure de consentir à la demande du roi africain et de vouloir ce que veut le camp tout entier. Elle se lamente et se plaint d’être, grâce à lui, toujours tremblante et pleine d’angoisses.

« Hélas ! — disait-elle — pourrai-je jamais vivre tranquille, si un nouveau désir vous prend à chaque instant de chercher querelle tantôt à l’un, tantôt à l’autre ? Comment pourrai-je me réjouir de ce que la bataille projetée entre vous et Rodomont soit évitée, alors qu’une autre non moins dangereuse est prête à s’allumer ?

« Hélas ! c’est bien en vain que j’étais fière qu’un roi si glorieux, qu’un chevalier si redoutable consentît à risquer pour moi la mort dans un combat périlleux et acharné, puisque je vois maintenant que vous n’hésitez pas à vous exposer aux mêmes dangers pour une cause si futile ! c’était votre ardeur naturelle, et non votre amour pour moi, qui vous poussait.

« Mais s’il est vrai que votre amour soit tel que vous vous efforcez de me le montrer à toute heure, je vous prie par cet amour même, et par cette angoisse qui m’oppresse l’âme et le cœur, de ne pas vous tourmenter plus longtemps de ce que Roger garde sur son écu l’oiseau aux.plumes blanches. Je ne sais pas en quoi il peut vous être utile ou nuisible qu’il abandonne cette devise ou qu’il la porte.