Page:L’Arioste - Roland furieux, trad. Reynard, 1880, volume 3.djvu/149

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inconnu possédait une telle force que non seulement il aurait peine à se tirer de ses mains sain et sauf, mais qu’il courait grand danger de mort. Il en avait déjà été si fortement travaillé et si échauffé, que la sueur lui coulait du front, et qu’il commençait à douter de l’issue du combat. Il y aurait volontiers mis fin, si son honneur eût été sauvegardé.

De son côté, le chevalier étranger — qui ne savait également pas que c’était le seigneur de Montauban, ce guerrier si fameux dans toute la chevalerie, contre lequel il avait été amené à lutter l’épée à la main avec si peu d’animosité — était certain que les armes ne pouvaient lui donner la preuve d’un homme plus excellent.

Il aurait voulu ne pas avoir entrepris de venger la mort de son cheval, et, s’il avait pu le faire sans encourir de blâme, il se serait volontiers retiré de cette périlleuse bataille. La nuit était déjà si obscure et si épaisse, que presque tous les coups portaient dans le vide. Ils ne pouvaient attaquer et encore moins parer, car c’est à peine s’ils voyaient leurs épées dans leur mains.

Le sire de Montauban fut le premier à dire que la bataille ne pouvait se continuer ainsi dans l’obscurité, et qu’il valait mieux la remettre jusqu’à ce que le paresseux Arthur eût accompli son évolution terrestre. En attendant, son adversaire peut venir sous sa tente où il ne sera pas moins en sûreté, ni moins bien servi et honoré qu’en aucun autre lieu.

Renaud n’a pas besoin de prier beaucoup le