Page:L’Arioste - Roland furieux, trad. Reynard, 1880, volume 3.djvu/172

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éparses ; elle a l’Afrique en face d’elle, et l’Espagne pour voisine. De plus elle est assise sur le fleuve, non loin de la mer.

Marsile envoie des ordres dans tout son royaume pour lever des gens à pied et à cheval, bons ou mauvais. De force ou’de bonne volonté, tout navire apte au combat doit s’armer à Barcelone. Chaque jour, Agramant rassemble son Conseil, et n’épargne ni ses soins ni sa peine. Toutes les cités d’Afrique sont pressurées d’exactions de toutes sortes.

Il a fait offrir à Rodomont pour qu’il revienne — mais sans pouvoir l’obtenir —une de ses cousines, fille d’Almont, avec le beau royaume d’Oran pour dot. L’altier chevalier ne veut pas quitter le pont où il a accumulé les armes et les selles vides de tant de guerriers vaincus par lui, que le rocher en est tout couvert.

Marphise ne voulut pas imiter Rodomont. Dès qu’elle apprit qu’Agramant avait été défait par Charles, que ses gens étaient morts, taillés en pièces, ou prisonniers, et que bien peu d’entre eux avaient pu se réfugier dans Arles, elle s’était mise en chemin sans attendre d’être appelée. Elle était venue au secours de son roi, et lui avait apporté sa personne et tout ce qu’elle possédait.

Elle avait amené aussi Brunel, auquel elle n’avait fait aucun mal, et elle le remit d’elle-même à Agramant. Pendant dix jours et dix nuits, elle l’avait tenu dans la crainte d’être pendu. Puis quand elle avait vu que personne n’essayait de le lui reprendre par la force ou par la prière, elle n’avait