Page:L’Arioste - Roland furieux, trad. Reynard, 1880, volume 3.djvu/194

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« Car il lui dit et il lui prouva clairement que telle il l’avait trouvée, telle il la lui rendait. Il ajouta que, bien qu’il se fût couvert de honte par la discourtoisie dont il avait usé, il se contentait de l’avoir fait passer toute la nuit à découvert. Il ne voulut pas accepter pour excuse que ce fût l’amour qui l’avait poussé à une faute si condamnable.

« Car Amour doit ennoblir un cœur vil, et ne peut faire le contraire d’un noble cœur. Dès que Tristan fut parti, Clodion s’empressa de changer d’habitation. Mais auparavant, il donna la garde de la Roche à un chevalier qu’il aimait beaucoup, avec injonction, pour lui et pour ses successeurs, de faire observer à tout jamais la manière suivante d’exercer l’hospitalité :

« Le chevalier qui aurait le plus de force, et la dame qui posséderait le plus de beauté, devraient toujours être reçus ; mais quiconque serait vaincu, viderait les lieux, et s’en irait dormir sur le pré, ou chercherait asile ailleurs. Finalement, il établit l’usage que vous voyez durer encore aujourd’hui. » Or pendant que le chevalier racontait tout cela, il avait ordonné au maître d’hôtel de dresser la table.

Il l’avait fait placer dans la grande salle qui était plus belle qu’aucune autre au monde. Puis, à la lueur des torches, il vint prendre les belles dames et les y conduisit. En y entrant, Bradamante la parcourut des yeux, ainsi que l’autre damoiselle. Les murs superbes se voyaient entièrement recouverts des peintures les plus nobles.