Page:L’Arioste - Roland furieux, trad. Reynard, 1880, volume 3.djvu/197

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lier et non comme dame, que j’ai conquis le droit de loger ici. Pourquoi donc voulez-vous me qualifier de dame, quand tous mes actes sont ceux d’un homme ? Votre loi veut que les dames soient expulsées par les dames, et non vaincues par un guerrier.

« Admettons encore que, comme il vous le semble, je sois une femme — ce que je ne vous concède pas — et que ma beauté n’égale pas celle de cette dame ; je ne crois pas que vous voudriez m’enlever le prix de mon courage, parce que mon visage aurait été déclaré moins beau. Il ne me paraîtrait pas juste de perdre, à cause d’une moindre beauté, ce que j’ai gagné avec les armes par mon courage.

« Quand même d’ailleurs l’usage exigerait que celle qui est inférieure en beauté doive se retirer, je voudrais encore rester, au risque de ce qui pourrait résulter de mon obstination. De la contestation inégale élevée entre cette dame et moi, je conclus que, sur cette question de la beauté, elle peut perdre beaucoup et gagner bien peu avec moi.

« Or, si la perte et le gain n’offrent pas des chances égales, toute décision est injuste. De sorte que, et par raison et par cas spécial, l’hospitalité ne saurait être refusée à cette dame. Et si quelqu’un est assez hardi pour prétendre que mon raisonnement n’est point bon, je suis prête à lui soutenir, de la façon qui lui fera plaisir, que mon dire est vrai et que le sien est faux. »