Page:L’Arioste - Roland furieux, trad. Reynard, 1880, volume 3.djvu/242

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l’envoyai à d’étranges et périlleuses entreprises, où il devait trouver mille fois la mort. Mais tout lui réussit ; il revint toutes les fois victorieux, soit qu’il eût eu à combattre des géants horribles et monstrueux, soit qu’il eût eu affaire aux Lestrygons qui infestaient nos contrées.

« Alcide ne fut jamais poussé par Eurysthée et par sa marâtre à plus d’entreprises périlleuses, sur le Lerne, en Némée, en Thrace, dans la forêt d’Érymanthe, dans les vallons d’Étolie et de la Numidie, sur le Tibre, sur l’Ibère et ailleurs, que mon amant ne fut poussé par mes prières et par mes incitations homicides, car je cherchais toujours à m’en délivrer.

« Ne pouvant y réussir par ce moyen, j’en employai un non moins criminel. Je lui fis maltraiter tous ceux que je sentais lui être attachés, et je le rendis odieux à tous. Lui, qui n’avait pas de plus grande satisfaction que de m’obéir, était toujours prêt à prêter les mains à tous mes désirs, sans s’inquiéter de déplaire à l’un plus qu’à l’autre.

« Lorsque j’eus acquis la certitude que, grâce à cette ruse, tous les ennemis de mon père étaient morts, et que, pour nous être agréable, Alceste n’avait pas conservé un seul des amis que ses hauts faits lui avaient valus, je lui dévoilai clairement ce que je lui avais jusqu’alors soigneusement dissimulé, c’est-à-dire la haine profonde, souveraine, que je lui portais. Je cherchai en même temps à lui donner la mort.

« Mais réfléchissant que, si j’en agissais ainsi,