Page:L’Arioste - Roland furieux, trad. Reynard, 1880, volume 3.djvu/267

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

mes, et les suspendre toutes au mausolée, après en avoir détaché toutes les autres. Je veux de plus que tu délivres tous les chevaliers que tu as pris. » Rodomont répondit : « Il me paraît juste qu’il soit fait comme tu dis. Mais je ne pourrais te rendre les prisonniers, car je ne les ai plus ici..

« Je les ai envoyés dans mon royaume, en Afrique ; toutefois, je te promets, je te donne ma foi que si, par cas inopiné, il advient que tu restes en selle et que je sois désarçonné, je les ferai mettre tous en liberté, en aussi peu de temps qu’il en faudra à un messager envoyé en toute hâte pour porter l’ordre de faire ce que tu me demandes, dans le cas où je perdrais la partie.

« Mais si tu viens à avoir le dessous, comme c’est plus probable, comme c’est certain, je ne veux pas que tu laisses tes armes ni ton nom inscrit sur ce monument. Je veux que ton beau visage, tes beaux yeux, ta chevelure qui respirent l’amour et la grâce, soient le prix de ma victoire. Il me suffira que tu m’aimes, alors que tu me haïssais.

« Je suis d’une valeur telle, d’une telle force, que tu ne devras pas éprouver de dépit d’être abattue par moi. » La dame sourit légèrement, mais d’un rire acerbe où la colère dominait. Sans répondre à ce superbe, elle tourne le dos au pont de bois pour prendre du champ, puis elle éperonne son cheval, et, la lance d’or en arrêt, elle vient à la rencontre du Maure orgueilleux.