Page:L’Arioste - Roland furieux, trad. Reynard, 1880, volume 3.djvu/288

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« Traitre,— dit-elle, — il ne te suffisait pas que la renommée m’apprît ta trahison ; il fallait que tu m’en rendisses encore témoin ! Je vois que ton unique désir est de m’éloigner de toi. Afin de satisfaire ton vœu inique et parjure, je veux bien mourir ; mais je ferai en sorte que celle qui est cause de ma mort meure avec moi. »

Ce disant, et plus irritée qu’une vipère, elle s’élance contre Marphise. Elle applique un tel coup de lance sur son bouclier, qu’elle la jette en arrière à la renverse, de façon que son casque s’enfonce presque à moitié dans la terre. On ne peut dire que Marphise ait été prise à l’improviste ; elle rassemble, au contraire, toutes ses forces pour résister au choc ; cependant elle est obligée de frapper la terre avec sa tête.

La fille d’Aymon qui veut mourir, ou donner la mort à Marphise, est dans une rage telle, qu’elle ne songe pas à la frapper de nouveau avec la lance et à la jeter une fois de plus à terre. Elle veut trancher le col de Marphise, pendant que celle-ci a la tête engagée jusqu’à moitié dans le sable. Elle jette loin d’elle la lance d’or, tire son épée, et saute à bas de son cheval.

Mais elle arrive trop tard. Marphise accourt déjà à sa rencontre, remplie d’une telle rage de s’être vue, à la seconde épreuve, jeter sur l’arène, qu’elle n’écoute pas les prières de Roger désespéré de tout cela ; la haine et la colère aveuglent tellement les deux guerrières, qu’elles se livrent une bataille désespérée.