Page:L’Arioste - Roland furieux, trad. Reynard, 1880, volume 3.djvu/44

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rable pour l’univers. Charles s’avance, contemplant la cruelle boucherie ; plein de stupeur, de colère et d’indignation, il va, pareil à celui dont la maison a été frappée par la foudre, et qui cherche de tous côtés parmi les décombres.

Ce premier secours n’était pas encore arrivé jusqu’aux remparts qui protégeaient le camp du roi africain, lorsque Marphise et l’impétueux Roger survinrent d’un autre côté. Le digne couple, après avoir jeté une fois ou deux les yeux autour de lui, comprit bien vite quel était le plus court chemin pour secourir son souverain assiégé, et s’élança soudain.

Lorsqu’on a mis le feu à la mine, la flamme, libre, ardente, court le long du sillon noir tracé par la poudre, si rapide que l’œil peut à peine la suivre, puis l’on entend le bruit de l’écroulement des durs rochers et des murs épais qui retombent brisés. Tel fut le fracas que produisirent Roger et Marphise en entrant dans la bataille.

De long et de large, ils commencèrent à fendre les têtes, à tailler les bras et les épaules dans ces foules trop lentes à s’enfuir et à leur débarrasser la voie. Quiconque a vu la tempête battre le versant d’une montagne ou d’une vallée, tandis qu’elle épargne l’autre versant, peut se représenter le chemin que les deux guerriers s’ouvrirent à travers tant de gens.

Un grand nombre qui s’étaient dérobés par la fuite aux coups de Rodomont et de ses compagnons rendaient déjà grâce à Dieu qui leur avait