Page:L’Arioste - Roland furieux, trad. Reynard, 1880, volume 3.djvu/91

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pour lui faire dire, en présence de tous deux, lequel mentait.

« Dis-moi — lui dit le roi d’un air sévère — et ne crains rien de moi ni de lui : quel est celui qui a été assez vaillant pour jouir de toi toute la nuit, sans en faire part à l’autre ? » Tous deux attendaient la réponse, croyant se convaincre l’un l’autre de mensonge. Alors Fiammetta, se voyant découverte, se jeta à leurs pieds, persuadée que c’en était fait de sa vie.

« Elle leur demanda pardon ; vaincue par l’amour qu’elle avait porté à un jeune garçon, émue de pitié à cause des nombreux tourments qu’il avait endurés pour elle, elle s’était laissée entraîner pendant la nuit à commettre la faute suivante ; et elle poursuivit sans rien feindre, en leur expliquant comment elle s’était comportée entre eux, dans l’espoir que chacun d’eux s’imaginât qu’elle était avec son compagnon.

« Le roi et Joconde se regardèrent, confus d’étonnement et de stupeur ; ils convinrent qu’ils n’avaient pas encore ouï dire que deux hommes eussent été jamais ainsi trompés. Puis ils éclatèrent tous deux d’un tel rire que, la bouche ouverte et les yeux fermés, pouvant à peine reprendre leur haleine, ils se laissèrent retomber sur le lit.

« Quand ils eurent tellement ri que la poitrine leur en faisait mal et que leurs yeux en pleuraient, ils se dirent : « Comment voudrions-nous que nos femmes ne nous jouent point de tours, quand nous n’avons pas pu empêcher que celle-