Page:L’Arioste - Roland furieux, trad. Reynard, 1880, volume 4.djvu/197

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l’Église chrétienne, qui ont perdu leur meilleure défense !

« Oh ! comme ta mort va enlever de terreur et d’épouvante aux ennemis ! Combien la race païenne va être plus forte ! Quel courage, quelle ardeur elle en va reprendre ! que va devenir ton épouse dont je vois ici les pleurs, et dont j’entends les cris ? Je sais qu’elle m’accuse et qu’elle me hait peut-être, car je suis cause que toute espérance est morte pour elle avec toi.

« Mais, Fleur-de-Lys, il nous reste du moins une consolation, à nous qui sommes séparés de Brandimart, c’est que tous les guerriers, aujourd’hui vivants, doivent l’envier d’être mort avec tant de gloire. Les deux Décius, et celui qui se précipita dans le forum romain, ce Codrus si loué par les Grecs, n’acquirent pas plus de gloire, en se vouant à la mort, que n’en a acquis ton seigneur. »

C’était ces paroles, et d’autres encore, que disait Roland. Entre temps les moines gris, blancs, noirs, et tous les autres clercs, marchaient à la suite, deux par deux, sur une longue file, priant pour l’âme du défunt, afin que Dieu lui accordât le repos parmi les bienheureux. Les torches qui étaient répandues à profusion devant le cortège, au milieu et tout autour, semblaient avoir changé la nuit en jour.

On enleva le cercueil, et tour à tour les comtes et les chevaliers le portèrent sur leurs épaules. Il était recouvert d’un drap de pourpre et de soie, tout brodé d’or et de perles précieuses. Sur des