Page:L’Arioste - Roland furieux, trad. Reynard, 1880, volume 4.djvu/237

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et sauvage, ainsi, au retour de Bradamante, la cour, où Roger n’est plus, lui paraît tout autre que lorsqu’elle l’a quittée.

Elle n’ose demander des nouvelles de Roger, de peur d’augmenter les soupçons. Mais, sans interroger personne, elle prête l’oreille à tout ce qu’elle entend dire à ce sujet. Elle apprend qu’il est parti, mais elle ne peut parvenir à savoir quelle voie il a prise, car en partant il n’a pas dit un mot à d’autres qu’à l’écuyer qu’il a emmené avec lui.

Oh ! comme elle soupire ; oh ! comme elle tremble en apprenant qu’il s’est enfui ; comme elle a peur qu’il ne s’en soit allé afin de l’oublier ! Voyant qu’il avait Aymon contre lui, et ayant perdu tout espoir de l’avoir pour femme, ne s’est-il pas éloigné dans l’espérance de se guérir de son amour ?

Peut-être aussi a-t-il formé le projet de chercher une autre dame, dont l’empire chasse plus vite de son cœur son premier amour. Ne dit-on pas que c’est ainsi qu’un clou chasse l’autre ? Mais en y songeant davantage Bradamante revoit Roger tel qu’il est, c’est-à-dire plein de la foi qu’il lui a jurée.

Elle se reproche d’avoir un seul instant prêté l’oreille à cette supposition injuste et absurde. Ainsi Roger est tour à tour accusé et défendu par ses propres pensées. Elle écoute l’une et l’autre, et se livre tantôt à celle-ci, tantôt à celle-là, sans pouvoir se résoudre à en adopter une. Cependant