Page:L’Intermédiaire des chercheurs et curieux, 1864.djvu/132

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Je devois m’obstiner il rompre ton voyage l*It«:’étoit mon dessein ; mais le puissant langage l)e mon cher Gnmberville ù la fin m’u vaincu. Sans lui mon cabinet seroit tn sépulture. On peut encore citer ces vers de Corneille (La Galerie du Palais, 1634, acte I, sc. vn) dont ceux du Misanthrope semblent un écho lointain :

Le style d’un sonnet
Est tort extravagant dedans un cabinet.
Il y laut bien louer la beauté qu’on adore, etc.
Eco. Souué.

— Suivant moi, le cabine ! dont parle Alceste n’est ni celui que F uretière entend, ni le cabinet d’Allemagne ou cabinet de la Foire Saint-Laurent, petit meuble, où l’on serrait surtout des objets de toilette, des bijoux, des mouchoirs ou des gants ; c’est tout simplement le cabinet de travail, ainsi décrit en 1680 par Richelet : « Piece d’ap« parte ment dans une maison, où sont les ivrcs avec les papiers, où l’on se reure pour étudier, ou pour parler d’afla1res. ›› “était la qu’on l’aisait es vers, qu’on les lisait, qu’on les jugeait.

Ma stpur, un mot d’nyîs sur un méchant sonnet, Que je viens de brouiller dedans mon cabinet, dit Tircis à Cloris dans la Mélíle de Corneille (acte ll, scène v). — Somme plus tard de se prononcer dns la contestation entre le sonnet d’Uranie et celui de Job, Corneille çomposait une épigramme commençant atnsi :

Ami, veux-tu savoir touchant ces deux sonnets Qui partagent nos cabmçls

Le qu on peut dire avec justice : Ici les cabinets sont les endroits où se réunissent les partisans de chacune des deux coteries, pour lire la pièce de vers de leur choix, l’analyser, la vanter, comme les Femmes savantes à l’égard du sonnet de Trissotin. - Dans sa comédie de la Galerie du Palais (acte I sc. vn), le poëte qui nous a déjà fourni les deux exemples ãut précèdent signale avec beaucoup moins e verve et de vivacité qu’Alceste, mais d’un ton tout aussi convaincu, la difi’érence profonde qui existe entre le langage d’une affection vraie et celui que prêtaient à l’amour les faiseurs de petits vers, de pièces de cabinet, comme on les nommait parfois alors :

Il n’en faut point douter, l’amour a des tendresses
Que nous n’apprenons point qu’aupres de nos maîtresses.
Tant de sorte d’appas, de doux saisissements,
D'agréables langueurs et de ravissements
Jusque : où d’un bel œil peut s’étendre l’empire,
Et mille autres secrets que l’on ne saurait dire
(Quoique tous nos rimeurs en mettent par écrit),
Ne se surent jamais par un effort d’esprit ;
Et je n'ai jamais vu de cervelles bien faites
Qui traitassent l'amour à la façon des poëtes.
C’est tout un autre jeu. Le style d’un sonnet
Est fort extravagant dedans un cabinet ;
Il y faut bien louer la beauté qu’on adore.
Sans mépriser Venus, sans medire de Flore,
bans que l’éclat des lis, des roses, d’un beau jour,
Ait rien à démêler avecque notre amour.

Le Misanthrope de Molière ne fait que répéter sous une forme plus entraînante ce qui est dit ici avec que gite embai-ras et que que obscurité : aux po sies artxhcxelles et tactices il oppose la vieille chanson qu’il sait rendre si émouvante et renvoie tout simplement le sonnet d’Öronte au cabinet d’où il était sorti et où il aurait du rester. Maintenant, Molière prévoyait que le parterre, agissant il peu près comme Andrée, la suivante de la comtesse d’Escarbagnas, lorsqu’elle est churFée de porter les coilles de sa maîtresse ù agarde-robe, saisirait le mot par son côté le plus grossier, cela est possible ; mais te n’çst pas du moins le sens principal et officiel des paroles d’Alceste, et le poëte aurait pu dire n son public comme dans La Critique de ljlÿcole des femmes, mais à bien plus juste titre encore : à C’est vous qui faites l’ordure.

CH. MARTY-LAVEAUX.

Quel est l’auteur des Mémoires de Casanova ? (Vid. pp. 51, 90). — Cette question curieuse ne me paraît pas résolue par la note insérée p. 90 et qui renferme quelques inexactitudes que je vous demande la permission de signaler. Ayant sous les yeux l’édition de Leipzig, je puis affirmer qu’elle n’est pas « absolument différente » de l’édition publiée à Paris, chez Paulin, et que les tomes IX et X n’ont pas été composés ab ovo par M. Ph. B. Les circonstances de la publication de ces Mémoires se trouvent à peu près indiquées dans un ouvrage bibliographique récemment mis au jour chez l’éditeur J. Gay. L’édition française donnée à Leipzig est conforme pour les huit premiers volumes in-12 à celle de Paulin. Quant aux quatre derniers volumes qui portent la rubrique de Bruxelles, les différences sont considérables, mais le fond est habituellement le même ; les épisodes fort détaillés des aventures de Casanova à Londres avec la Charpillon et avec une famille hanovrienne, se retrouvent exactement. Les tomes IX et X de l’édition Paulin ne sont donc point un ouvrage neuf ; ils proviennent en grande partie de la même source que les quatre volumes datés de Bruxelles. Quant à l’origine de ces ressemblances et de ces différences, je ne saurais l’expliquer. — Il est d’ailleurs certain que les Mémoires tels qu’ils sont imprimés, n’ont point été écrits par l’aventurier dont ils portent le nom. Le prince de Ligne, qui connaissait personnellement Casanova, atteste qu’il parlait fort mal la langue française. On a dit, mais je n’en crois rien, que la traduction allemande publiée par le