Page:L’Odyssée (traduction Bareste).djvu/190

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repas auprès de nos navires rapides. Quand ils ont achevé de manger et de boire, je choisis deux de mes guerriers et je les envoie, accompagnés d'un héraut, pour savoir quels sont les peuples, habitants de ces lieux, qui se nourrissent des doux fruits de la terre. Ils partent et arrivent bientôt auprès des Lotophages, qui, loin de méditer la perte de mes compagnons, leur donnent du lotos à goûter. Les guerriers qui mangeaient de cet excellent fruit ne voulaient plus revenir pour me rendre compte du message ; mais ils désiraient rester parmi les Lotophages pour cueillir le lotos et oublier leur chère patrie. Cependant je les entraîne par force vers nos creux navires, et malgré leurs larmes je les attache avec des cordes sur les bancs des rameurs. Puis j'ordonne aux autres Grecs de monter promptement sur nos vaisseaux, de peur qu'eux-mêmes, en mangeant du lotos, n'oubliassent aussi leur terre natale. Mes compagnons se placent aussitôt sur les bancs, et tous assis en ordre ils frappent de leurs rames la mer blanchissante.


» Le cœur navré de douleur, nous abandonnons ces côtes ; et bientôt nous arrivons au pays des orgueilleux Cyclopes, de ces hommes qui vivent sans lois, qui se confient aux soins des dieux, qui ne sèment aucune plante et ne labourent jamais la terre. Là tout s'élève sans semence et sans culture ; Jupiter, par ses pluies abondantes, fait croître pour ces géants l'orge, le froment et les vignes, qui, chargées de grappes, donnent un vin délicieux. Les Cyclopes n'ont point d'assemblées, ni pour tenir conseil, ni pour rendre la justice ; mais ils vivent sur les sommets des montagnes, dans des grottes profondes, et ils gouvernent leurs enfants et leurs épouses sans avoir aucun pouvoir les uns sur les autres.


» En face du port et à quelque distance du pays des Cyclopes s'étend une île fertile couverte de forêts, où naissent en foule des chèvres sauvages ; car les pas des hommes ne les mettent point en fuite. Les chasseurs, qui supportent de si grandes fatigues en explorant les sommets ombragés des montagnes, ne visitent point cette île, qui n'est fréquentée ni par les bergers ni par les laboureurs, mais qui reste toujours sans semence, sans culture et sans habitants : les chèvres seules y paissent en poussant de longs bêlements. Les