Page:L’Odyssée (traduction Bareste).djvu/67

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Dès le lever de l'aurore, nous autres, nous lançons sur la vaste mer nos navires, dans lesquels nous déposons nos richesses et nos femmes ornées de leurs larges ceintures[1] ; l'autre moitié de l'armée se tient près d'Agamemnon, le pasteur des peuples. Nous qui étions embarqués, nous partons, et nos vaisseaux voguent rapidement : un dieu nous avait aplani l'immense surface des eaux. Arrivés à Ténédos, nous offrons des sacrifices aux immortels, tant nous désirions revoir nos demeures. Mais Jupiter ne songeait point encore à notre retour : le cruel excite, pour la seconde fois, de funestes discordes ! Quelques-uns d'entre les Grecs, montés sur leurs navires ballottés par les flots[2], retournent vers Ilion, conduits par Ulysse, roi prudent et fertile en conseils, pour obtenir de nouveau la faveur du puissant Agamemnon. Moi, je continue ma route avec les vaisseaux qui m'avaient suivi, prévoyant bien qu'un dieu nous préparait quelques malheurs ; et le valeureux fils de Tydée part aussi avec nous

  1. Il y a dans le texte grec βαθυζώνους τε γυναῖκας (vers 154) (les femmes ornées de larges ou de belles ceintures), que madame Dacier et Bitaubé ont rendu d'une manière très-concise par captives.
  2. νέας ἀμφιελίσσας (vers 162) dit Homère. Quoique les lexiques grecs-français donnent à l'adjectif ἀμφιελίσσας la signification de : poussé par les deux côtés, nous avons traduit ces mots par ballottés par les flots. — Clarke dit : remigio-utrinque-instrutctis. Dubner rend imparfaitement ἀμφιελίσσας par utrinque recurvis, par les vaisseaux des Grecs n'étaient recourbés que d'un seul côté. S. Patrick traduit ce mot par utrinque agitatus, circum agi abilis, et sous-entend remis. Tobias Damm adopte la même opinion, et traduit ἀμφιελίσσας par utrimque impellitur et promovetur, et dit : est epitheton navis actuariœ, quœ utrimque habet remos, quibus propellitur. L'excellente traduction allemande de Voss se conforme à ces explications, et rend ce mot par zwiefachrudernden Schiffe ( navires voguant à doubles rames). Nous n'avons pas adopté ces commentaires ; car le mot ἀμφιελίσσας, venant de ἀμφι (autour, des deux côtés) et de έλίσσω (pousser, mettre en mouvement), il est plus probable qu'ici ce sont les flots, et non les rames, qui donnent la première impulsion au navire ; ballotté par les flots est donc par consé­quent une expression qui rend parfaitement le mot ἀμφιελίσσας. Passow, dans son Dictionnaire grec-allemand, semble partager cette opinion en disant que ce mot signifie ballotté d'un côté et de l'autre (bald nach dieser bald nach jener Seite getrieben). Quant aux traducteurs français ils ont passé sous silence ce passage, et même le vers 162 de ce livre ; excepté Dugas-Montbel, qui a rendu improprement νέας ἀμφιελίσσας par larges navires.