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Page:La Bruyère - Œuvres complètes, édition 1872, tome 1.djvu/123

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De la flatterie


La flatterie est un commerce honteux qui n’est utile qu’au flatteur. Si un flatteur se promène avec quelqu’un dans la place : « Remarquez-vous, lui dit-il, comme tout le monde a les yeux sur vous ? cela n’arrive qu’à vous seul. Hier il fut bien parlé de vous, et l’on ne tarissait point sur vos louanges : nous nous trouvâmes plus de trente personnes dans un endroit du Portique ; et comme par la suite du discours l’on vint à tomber sur celui que l’on devait estimer le plus homme de bien de la ville, tous d’une commune voix vous nommèrent, et il n’y en eut pas un seul qui vous refusât ses suffrages. » Il lui dit mille choses de cette nature. Il affecte d’apercevoir le moindre duvet qui se sera attaché à votre habit, de le prendre et de le souffler à terre. Si par hasard le vent a fait voler quelques petites pailles sur votre barbe ou sur vos cheveux, il prend soin de vous les ôter ; et vous souriant : « Il est merveilleux, dit-il, combien vous êtes blanchi depuis deux jours que je ne vous ai pas vu » ; et il ajoute : « Voilà encore, pour un