Page:La Bruyère - Œuvres complètes, édition 1872, tome 2.djvu/189

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montrez à tout l’univers qu’on peut chasser un roi de son royaume, ainsi qu’un petit seigneur de son château, ou un fermier de sa métairie ; qu’il n’y ait plus de différence entre de simples particuliers et nous ; nous sommes las de ces distinctions : apprenez au monde que ces peuples que Dieu a mis sous nos pieds peuvent nous abandonner, nous trahir, nous livrer, se livrer eux-mêmes à un étranger, et qu’ils ont moins à craindre de nous que nous d’eux et de leur puissance. « Qui pourrait voir des choses si tristes avec des yeux secs et une âme tranquille ? Il n’y a point de charges qui n’aient leurs privilèges ; il n’y a aucun titulaire qui ne parle, qui ne plaide, qui ne s’agite pour les défendre : la dignité royale seule n’a plus de privilèges ; les rois eux-mêmes y ont renoncé. Un seul, toujours bon et magnanime, ouvre ses bras à une famille malheureuse. Tous les autres se liguent comme pour se venger de lui, et de l’appui qu’il donne à une cause qui leur est commune. L’esprit de pique et de jalousie prévaut chez eux à l’intérêt de l’honneur, de la religion et de leur État ; est-ce assez ? à leur intérêt personnel et domestique : il y va, je ne dis pas de leur élection, mais de leur succession, de leurs droits comme