Page:La Bruyère - Œuvres complètes, édition 1872, tome 2.djvu/247

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

La question est une invention merveilleuse et tout à fait sûre pour perdre un innocent qui a la complexion faible, et sauver un coupable qui est né robuste.

52 (VI)

Un coupable puni est un exemple pour la canaille ; un innocent condamné est l’affaire de tous les honnêtes gens. Je dirai presque de moi : « Je ne serai pas voleur ou meurtrier. » — « Je ne serai pas un jour puni comme tel », c’est parler bien hardiment. Une condition lamentable est celle d’un homme innocent à qui la précipitation et la procédure ont trouvé un crime ; celle même de son juge peut-elle l’être davantage ?

53 (VI) Si l’on me racontait qu’il s’est trouvé autrefois un prévôt ; ou l’un de ces magistrats créés pour poursuivre les voleurs et les exterminer, qui les connaissait tous depuis longtemps de nom et de visage ; savait leurs vols, j’entends l’espèce, le nombre et la quantité, pénétrait si avant dans toutes ces profondeurs, et était si initié dans tous ces affreux mystères qu’il sut rendre à un homme de crédit un bijou qu’on lui avait pris dans la foule au sortir d’une assemblée, et dont il était sur le point de faire de l’éclat, que le Parlement intervint dans cette affaire, et fit le procès à cet officier : je regarderais cet événement comme l’une de ces choses dont l’histoire se charge, et à qui le temps ô