Page:La Chanson de Roland (trad. Petit de Julleville).djvu/63

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

l’autre pour venger la vérité, ce rôle indiqué si bien en quinze vers, par un tableau saisissant, jette autour de son front une incomparable grandeur. Rien dans notre épopée n’est au-dessus de Charlemagne; cependant le héros du poëme n’est pas Charlemagne; assurément, c’est Roland. On a remarqué avec raison que le héros d’une épopée était rarement un roi, & que le choix d’un roi pour héros n’était pas heureux en général. Dans une situation inférieure, les passions rencontrent plus d’obstacles, & par là même le jeu des passions offre plus d’intérêt. On reconnaît Charlemagne entre tous à sa majesté, Roland à sa mine guerrière. Voyez ce païen qui Très-vertueux & brave combattant Parmi sa voie a rencontré Roland; Sans l’avoir vu l’a reconnu vraiment Au fier visage & au corps noble & gent Et au regard & au maintien vaillant; Ne peut dompter la terreur qu’il ressent Et veut s’enfuir mais inutilement. (v. 1594)

Voyez-le s’avancer lui-même, l’admirable guerrier :

Aux ports d’Espagne il a passé, Roland, Sur Veillantif, son bon cheval courant, Porte ses armes d’un air fort avenant; Et son épieu le preux va brandissant, Contre le ciel la pointe il va tournant. En haut se lace un gonfanon tout blanc, Les franges d’or jusqu’aux mains lui battant. Noble a le corps, le front clair et riant; Son compagnon vient après, le suivant, Et ceux de France le nomment leur garant (v. 1152)