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croisade contre les albigeois.

CLXII.

La bataille finie, le péril cesse ; beaucoup étaient dans l’allégresse, beaucoup aussi pleins de colère et de dépit. Ceux du siége, au cœur généreux, rentrèrent, [4295] et ceux de l’ost retournèrent en hâte à leurs tentes. Le comte de Montfort confère avec ses amis privés ; il y avait trois évêques et je ne sais combien d’abbés. Aux uns et aux autres il a conté avec véhémence ses plaintes : « Seigneurs, » dit-il, « entendez et voyez [4300] comme je suis sorti de Provence dépouillé, voyant mes hommes perdus ou en danger. Le jeune comte me combat, ne doutant de rien, et depuis qu’il a quitté Rome il s’est poussé en avant au point de m’enlever ma terre et de prendre mes domaines ; [4305] et si maintenant il m’enlève Beaucaire, je me sens tant abaissé que tout ce qui me restera de terre me semble misère. Et puisque l’affaire a été mise en train par sainte Église, si l’Église m’oublie, je suis si fort déchu que je ne pourrai défendre ni mes rentes ni mes conquêtes. [4310] Et quiconque éprouve un échec, ayant le bon droit pour soi, peut [impunément] être accusé contre droit et raison. Et puisque me voilà troublé en tant de façons, je veux savoir de vous quel conseil vous me donnez. » L’évêque de Nîmes[1] [4315] parla le premier et fut bien écouté. « Sire comte, » dit l’évêque, « adorez Jésus-Christ, et du

  1. Arnaut, ancien abbé de Saint-Ruf, Gall. christ. VI, 444 ; Vaissète, nouv. édit., IV, 278.