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SONNET



Mirage où s’exalta toute une Océanie
D’ors et d’aromes verts et de cieux inconnus,
Tes Yeux lus par les miens et fleuris ingénus
Comme une aube de nostalgie indéfinie !

Tes mélodiques doigts surent, douce agonie,
Célébrer si longtemps ces pays survenus,
Que de nos vœux d’antan naquirent, beaux et nus,
Des anges prometteurs de cet or d’insomnie.

Mais les Étoiles ont proclamé le mensonge
Dont l’ombre de tes cils alanguissait la gloire,
Et le regret est né dans l’ivresse du songe :

Et seul demeure, épars vol pâle en la mémoire,
L’essor des anges nés du luth où se module
Un dernier rêve de notre âme au crépuscule.


CAMILLE MAUCLAIR.




SONNET



Les arbres que le vent courbe dans tes cours blanches
Jettent une ombre souple et claire sur les murs.
Il ne faut pas sortir ; les fruits ne sont pas mûrs,
Et des fleurs de pommier rosent seules les branches.

Viens cependant : le ciel est bleu. Quand tu te penches
Un peu, tes cheveux font sur ton front lisse et pur
Courir des frissons d’or et des reflets d’azur.
Tu pencheras sur moi tu nuque, et puis tes hanches.

Les chemins sont tout verts, d’un vert pâle et honteux.
Je lâcherai ta main si tu me le demandes,
Je passerai mon bras sous ton bras, si tu veux,

Les feuilles des fraisiers des plates-bandes,
Hélas ! les jours sont courts et nos douleurs sont grandes.
Le ciel est bleu ; le vent est bleu ; tes yeux sont bleus.


LÉON BLUM.