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VERS


À P. L..


I



Les nuits d’été, les gens descendent dans la rue.
Par la brume on les voit passer, très vite, et puis
Ce n’est plus rien qu’un tourbillon d’amour qui fuit
Dans le charme d’une vision disparue.

Les arbres que le soir empoussierait d’or
Sont maintenant tristes et vagues sous la lune.
Le ciel est bleu, le vent est chaud ; la terre est brune.
Tout paraît lisse et clair comme dans un décor.

Les voix que l’on entend prennent, dans le silence,
Cet accent fauve et sourd qui vous épouvantait.
Souvenez-vous du bon chevalier qui partait,
Dans la nuit un reflet d’étoile sur sa lance.


II


Votre robe, serrant un peu trop votre taille,
Vous fait trop frêle, avec quelque chose d’exquis.
Vous êtes la très pure et très naïve à qui
L’archange apparaîtra les matins de bataille,

Si naïve, et si caressante, que le ciel,
Le soir, pour vous, s’est fait d’une teinte plus pâle,
Lilas et bleu — dans des transparences d’opale —
Et les fleurs d’un parfum presque artificiel…

Pourtant n’en soyez pas moins douce à nos faiblesses.
Le vent plus frais ouvre les arbres du chemin.
Venez, ne parlons plus, je prendrai votre main.
Il faut des mots si peu chastes pour qu’on vous blesse.


III


Là-bas ? où donc ? Quand on a quinze ans, on souhaite
Des pays inconnus et des soleils plus bleus.
Gardez-vous le regret des pays fabuleux
Qu’avait rêvés votre petite âme inquiète ?