coup d'analogie avec celle des mots latins dans lesquels on croit apercevoir l'origine de ce même verbe.
On a dit, au premier sens, s'acointer pour s'approcher en général :
Cil remande les soes gens Qu'il viengnent, pris lor garnemens, Que jusqu'à pou s'acointeront Là où li Baron s'ajousteront.
Athis, MS, fol. 94, R° col. 1.
Dans une signification plus particulière, acointer quelqu'un, pour l'approcher l'aborder à dessein de lui parler. " Personne ne les saluoit ni acointoit. " (Essais de Montaigne, T. III, p. 489.)
De là l'expression " s'acointer de paroles à quelqu'un, " pour l'aborder en lui parlant. " De paroles s'acointa à chascun moult honorablement. " (Chron. St Denys, T. I, p. 265.)
Souvent ce mot dans le sens d'approcher, aborder quelqu'un, emportoit une idée de familiarité ; d'où vient acointer ou acointier pour faire connoissance, se familiariser, lier commerce avec quelqu'un. " Souvent maudissoient l'heure et le jour. que de la Demoiselle s'étoit acointé. " (Ger. de Nevers, part. I. p. 37.)
Amis, or vous voil-je prier Que vous m'aidiez à acointier A ces Dames, à ces Pucelles Qui sont à la cité moult belles.
Athis, MS. fol. 41, R° col. 2.
On disoit aussi dans le même sens, mais figurément, " acointer les maux, " pour se familiariser avec les maux. " Peu y en a qui considèrent les maux en eux-mêmes, qui les goustes et accoinctent, comme fit Socrates la mort. " (Sagesse de Charron, p. 591.)
En particularisant cette idée de familiarité, on a dit " acointer une femme, " dans le sens où nous disons encore la fréquenter. " Quand il fu revenu de Rome, il acointa la femme à un Mercier. " (Martene, Contin. de G. de Tyr. T. V. col. 605.)
On appliquoit quelquefois cette idée de fréquentation à la femme. De là, nous lisons : " Honneur aux femmes d'avoir acointé plusieurs masles. " (Sagesse de Charron, p. 333.)
Un de nos anciens Poëtes a dit, en parlant de l'infidélité de Coronis :
Quant Phebus oy la nouvelle Du Corbel qui dist que la belle Qu'il aime de fin cuer entier, Le lait, pour un autre acointier, etc.
G. Machaut, MS. fol. 205, V° col. 3.
Par une extension de l'idée de familiarité, liaison, acointer signifioit, allier, associer, unir. (Gloss. de Marot.) C'est dans le sens d'associer qu'on lit :
A son fils les acointe, et fet D'eles et de lui un douz plet.
Fabl. MS. du R. n° 7218, fol. 124, V° col. 2.
L'idée d'associer, emportant celle de faire part, on a dit acointer, pour faire part ; accointer d'une chose, en faire part, la communiquer, l'apprendre : " Si les acointa de ce que l'en luy avoit compté, et leur dit, etc. " (Lanc. du Lac, T. II, fol. 102, R° col. 1.)
.... son noble atour bel et gent .... Simple fait, appert et acointe M'acointoit et encore acointe Que me tenisse cointement.
G. Machaut, MS. fol. 22, V° col. 2.
C'est-à-dire : M'apprenoit et m'apprend encore que je dois, etc.
On approche son ennemi pour le combattre. De là, le verbe s'acointer, pour se battre en s'approchant, se joindre, se mesurer : c'est ainsi qu'on verra ci-après assembler, se mesler, combattre. " Autresfois avez bien ouy comment deux Chevaliers se sçavent entre accoincter aux espées, quant il touche l'honneur de l'ung et de l'autre. " (Percef. Vol. II, fol. 34, R° col. 2.)
Par les selles faire widier Se cuide à vous bien acointier.
Athis, MS. fol. 41, R° col. 2.
C'est encore en remontant à la signification d'acointer, approcher, que l'on remarque que de cette idée l'on a pu passer à celle de voir de près, apercevoir. Aussi lisons-nous que le père d'Athis, ignorant l'amour de son fils qui se mouroit :
Ne pot sentir, n'acointier Signe de mort, ne destorbier, Qu'Athis eust dont se plaignoit.
Athis, MS. fol. 21, V° col. 1.
On a vu ci-devant acoint, pour coint, orné, paré. De là, le verbe acointer, pour orner, parer. (Oudin, Dict.) " Faire coint et joli. " (Monet, Dict.)
Sa léesse m'esjoissoit, Sa cointise m'acointissoit, Et son gent corps m'agentissoit.
G. Machaut, MS. fol. 283, V° col. 3.
(Voy. COINTER ci-après.)
Enfin, par extension de l'idée d'acointer, parer, ajuster, ce mot a signifié s'arranger, se disposer : " S'accoincta moult fort de garder la Ville et le Chastel de Sanxerre. " (Froissart, Vol. III, p. 38.) De même acesmer, parer, orner, a signifié aussi s'arranger, se disposer.
VARIANTES :
ACOINTER. Athis, MS. fol. 94, R° col. 2. - Gloss. du Rom. de la Rose. - Ern. Caupains, Anc. Poët. Fr. MSS. avant 1300, T. III, p. 1257.
ACCOINCTER. Celthell. de Leon Trippault.
ACCOINTER. Monet. Dict. - Faucher, Lang. et Poës. fr. p. 93. - Aresta amorum, p. 174, etc.
ACOINTIER. J. Erars, Anc. Poët. Fr. MSS. avant 1300, T. II, p. 663.
ACOINTIR. G. Machaut, MS. fol. 185, V° col. 3.
ACOMPTER (lisez ACOINTIER). Modus et Racio, MS. fol. 276, R°.
Acointères,
subst. masc. Galant. Ami, camarade.
Proprement, qui aborde familièrement, galamment : " Renommée avez d'estre le plus grand acointeur de tous les Chevaliers errans ; car nulle femme ne s'en va à faulte. " (Percef. Vol. V, fol. 63, R° col. 1.)