Page:La Fayette, Tencin, Fontaines - Œuvres complètes, Lepetit, 1820, tome 2.djvu/146

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femme de la cour, sans qu’il parût de changement dans sa conduite : néanmoins, le temps de ce départ était encore trop éloigné pour être un remède à l’embarras où il se trouvait. Il écrivit à l’heure même à madame de Clèves, pour lui apprendre ce que le roi venait de lui dire, et lui manda encore qu’il voulait absolument qu’elle revînt à Paris. Elle y revint comme il l’ordonnait, et lorsqu’ils se virent, ils se trouvèrent tous deux dans une tristesse extraordinaire.

M. de Clèves lui parla comme le plus honnête homme du monde, et le plus digne de ce qu’elle avait fait. Je n’ai nulle inquiétude de votre conduite, lui dit-il ; vous avez plus de force et plus de vertu que vous ne pensez ; ce n’est point aussi la crainte de l’avenir qui m’afflige, je ne suis affligé que de vous voir pour un autre des sentiments que je n’ai pu vous donner. Je ne sais que vous répondre, lui dit-elle ; je meurs de honte en vous en parlant ; épargnez-moi, je vous en conjure, de si cruelles conversations ; réglez ma conduite, faites que je ne voie personne ; c’est tout ce que je vous demande ; mais trouvez bon que je ne vous parle plus d’une chose qui me fait paraître si peu digne de vous, et que je trouve si indigne de moi. Vous avez raison, madame, répliqua-t-il ; j’abuse de votre douceur et de votre confiance ; mais aussi ayez quelque compassion de l’état où vous m’avez mis, et songez que, quoi que vous m’ayez dit, vous me cachez un nom qui me donne une curiosité avec laquelle je ne saurais vivre. Je ne vous demande pourtant pas de la satisfaire ; mais je ne puis m’empêcher de vous dire que je crois que celui que je dois envier