Page:La Fayette, Tencin, Fontaines - Œuvres complètes, Lepetit, 1820, tome 2.djvu/159

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que la chose est sue. Je ne me justifie pas de l’avoir redite ; vous ne le sauriez croire, et il faut, sans doute, que vous ayez pris pour vous ce que l’on vous a dit de quelque autre. Ah ! monsieur, reprit-elle, il n’y a pas dans le monde une autre aventure pareille à la mienne ; il n’y a point une autre femme capable de la même chose. Le hasard ne peut l’avoir fait inventer ; on ne l’a jamais imaginée, et cette pensée n’est jamais tombée dans un autre esprit que le mien. Madame la dauphine vient de me conter toute cette aventure ; elle l’a sue par le vidame de Chartres, qui la sait de M. de Nemours. M. de Nemours ! s’écria M. de Clèves, avec une action qui marquait du transport et du désespoir. Quoi ! M. de Nemours sait que vous l’aimez, et que je le sais ! Vous voulez toujours choisir M. de Nemours plutôt qu’un autre, répliqua-t-elle : je vous ai dit que je ne vous répondrai jamais sur vos soupçons. J’ignore si M. de Nemours sait la part que j’ai dans cette aventure, et celle que vous lui avez donnée ; mais il l’a contée au vidame de Chartres, et lui a dit qu’il la savait d’un de ses amis, qui ne lui avait pas nommé la personne. Il faut que cet ami de M. de Nemours soit des vôtres, et que vous vous soyez fié à lui pour tâcher de vous éclaircir. A-t-on un ami au monde à qui on voulût faire une telle confidence, reprit M. de Clèves, et voudrait-on éclaircir ses soupçons au prix d’apprendre à quelqu’un ce que l’on souhaiterait de se cacher à soi-même ? Songez plutôt, madame, à qui vous avez parlé. Il est plus vraisemblable que ce soit par vous que par moi que ce secret soit échappé. Vous n’avez pu soutenir toute seule l’em-