Page:La Fayette, Tencin, Fontaines - Œuvres complètes, Lepetit, 1820, tome 2.djvu/177

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Mesdames de Nevers et de Martigues, en sortant de chez elle, allèrent chez la reine dauphine ; M. de Clèves y était. Cette princesse leur demanda d’où elles venaient ; elles lui dirent qu’elles venaient de chez M. de Clèves, où elles avaient passé une partie de l’après-dînée avec beaucoup de monde, et qu’elles n’y avaient laissé que M. de Nemours. Ces paroles, qu’elles croyaient si indifférentes, ne l’étaient pas pour M. de Clèves, quoiqu’il dût bien s’imaginer que M. de Nemours pouvait trouver souvent des occasions de parler à sa femme. Néanmoins, la pensée qu’il était chez elle, qu’il y était seul, et qu’il lui pouvait parler de son amour, lui parut dans ce moment une chose si nouvelle et si insupportable, que la jalousie s’alluma dans son cœur avec plus de violence qu’elle n’avait encore fait. Il lui fut impossible de demeurer chez la reine ; il s’en revint, ne sachant pas même pourquoi il revenait, et s’il avait dessein d’aller interrompre M. de Nemours. Sitôt qu’il approcha de chez lui, il regarda s’il ne verrait rien qui lui pût faire juger si ce prince y était encore : il sentit du soulagement en voyant qu’il n’y était plus, et il trouva de la douceur à penser qu’il ne pouvait y avoir demeuré long-temps. Il s’imagina que ce n’était peut-être pas M. de Nemours dont il devait être jaloux ; et, quoiqu’il n’en doutât point, il cherchait à en douter : mais tant de choses l’en auraient persuadé, qu’il ne demeurait pas long-temps dans cette incertitude qu’il desirait. Il alla d’abord dans la chambre de sa femme ; et, après lui avoir parlé quelque temps de choses indifférentes, il ne put s’empêcher de lui demander ce qu’elle avait fait, et qui elle avait vu : elle lui en rendit