Page:La Fayette, Tencin, Fontaines - Œuvres complètes, Lepetit, 1820, tome 2.djvu/230

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moment ; mais, pour l’amour de moi, et pour l’amour de vous-même, renoncez à une passion aussi déraisonnable que celle que vous me témoignez, et qui nous conduira peut-être à d’horribles malheurs.

Le chevalier fut d’abord transporté de joie de se voir si véritablement aimé de la comtesse de Tende ; mais l’horreur de se donner à une autre lui revint devant les yeux ; il pleura, il s’affligea, il lui promit tout ce qu’elle voulut, à condition qu’il la reverrait encore dans ce même lieu. Elle voulut savoir, avant qu’il sortît, comment il y était entré. Il lui dit qu’il s’était fié à un écuyer qui était à elle, et qui avait été à lui, qui l’avait fait passer par la cour des écuries où répondait le petit degré qui menait à ce cabinet, et qui répondait aussi à la chambre de l’écuyer.

Cependant, l’heure du mariage approchait, et le chevalier, pressé par la comtesse de Tende, fut enfin contraint de s’en aller : mais il alla comme au supplice, à la plus grande et à la plus agréable fortune où un cadet sans biens eût été jamais élevé. La comtesse de Tende passa la nuit, comme on se le peut imaginer, agitée par ses inquiétudes. Elle appela ses femmes sur le matin, et, peu de temps après que sa chambre fut ouverte, elle vit son écuyer s’approcher de son lit, et mettre une lettre dessus, sans que personne s’en aperçût. La vue de cette lettre la troubla, et parce qu’elle la reconnut être du chevalier de Navarre, et parce qu’il était si peu vraisemblable que, pendant cette nuit, qui devait avoir été celle de ses noces, il eût eu le loisir de lui écrire, qu’elle craignit qu’il n’eût apporté ou qu’il ne fût arrivé quelques obstacles à son