Page:La Fayette, Tencin, Fontaines - Œuvres complètes, Lepetit, 1820, tome 2.djvu/51

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tuner, je vous demanderais encore plusieurs circonstances que j’ignore.

La passion de M. de Nemours pour madame de Clèves, fut d’abord si violente, qu’elle lui ôta le goût et même le souvenir de toutes les personnes qu’il avait aimées, et avec qui il avait conservé des commerces pendant son absence. Il ne prit pas seulement le soin de chercher des prétextes pour rompre avec elles ; il ne put se donner la patience d’écouter leurs plaintes, et de répondre à leurs reproches. Madame la dauphine, pour qui il avait eu des sentiments assez passionnés, ne put tenir dans son cœur contre madame de Clèves. Son impatience pour le voyage d’Angleterre commença même à se ralentir, et il ne pressa plus avec tant d’ardeur les choses qui étaient nécessaires pour son départ. Il allait souvent chez la reine dauphine, parce que madame de Clèves y allait souvent, et il n’était pas fâché de laisser imaginer ce que l’on avait cru de ses sentiments pour cette reine. Madame de Clèves lui paraissait d’un si grand prix, qu’il se résolut de manquer plutôt à lui donner des marques de sa passion, que de hasarder de la faire connaître au public. Il n’en parla pas même au vidame de Chartres, qui était son ami intime, et pour qui il n’avait rien de caché. Il prit une conduite si sage, et s’observa avec tant de soin, que personne ne le soupçonna d’être amoureux de madame de Clèves, que le chevalier de Guise ; et elle aurait eu peine à s’en apercevoir elle-même, si l’inclination qu’elle avait pour lui ne lui eût donné une attention particulière pour ses actions, qui ne lui permit pas d’en douter.