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lettres.



LETTRE VI.
Paris, 30 juin 1673.

Hé bien ! hé bien ! ma belle, qu’avez-vous à crier comme un aigle ? Je vous demande que vous attendiez à juger de moi quand vous serez ici. Qu’y a-t-il de si terrible à ces paroles, Mes journées sont remplies ? Il est vrai que Bayard est ici, et qu’il fait mes affaires ; mais, quand il a couru tout le jour pour mon service, écrirai-je ? Encore faut-il lui parler. Quand j’ai couru, moi, et que je reviens, je trouve M. de la Rochefoucault, que je n’ai point vu de tout le jour ; écrirai-je ? M. de la Rochefoucault et Gourville sont ici ; écrirai-je ? Mais quand ils sont sortis ? Ah ! quand ils sont sortis, il est onze heures, et je sors, moi : je couche chez nos voisins, à cause qu’on bâtit devant mes fenêtres. Mais l’après-dînée ? J’ai mal à la tête. Mais le matin ? J’y ai mal encore, et je prends des bouillons d’herbes qui m’enivrent. Vous êtes en Provence, ma belle, vos heures sont libres, et votre tête encore plus : le goût d’écrire vous dure encore pour tout le monde ; il m’est passé pour tout le monde ; et, si j’avais un amant qui voulût de mes lettres tous les matins, je romprais avec lui. Ne mesurez donc point notre amitié sur l’écriture ; je vous aimerai autant en ne vous écrivant qu’une page en un mois, que vous en m’en écrivant dix en huit jours. Quand je suis à Saint-Maur, je puis écrire, parce que j’ai plus de tête et plus de loisir ; mais je