Page:La Fayette, Tencin, Fontaines - Œuvres complètes, Lepetit, 1820, tome 2.djvu/69

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et elle savait bien que ma belle-sœur n’avait pas sujet de s’en louer. Sancerre avait été chez elle au sortir de la comédie. Il lui avait appris la brouillerie du roi avec cette duchesse ; et madame de Tournon était venue la conter à ma belle-sœur, sans savoir ou sans faire réflexion que c’était moi qui l’avait apprise à son amant.

Sitôt que je m’approchai de ma belle-sœur, elle dit à madame de Tournon que l’on pouvait me confier ce qu’elle venait de lui dire ; et, sans attendre la permission de madame de Tournon, elle me conta mot pour mot tout ce que j’avais dit à Sancerre le soir précédent. Vous pouvez juger comme j’en fus étonné. Je regardai madame de Tournon ; elle me parut embarrassée. Son embarras me donna du soupçon : je n’avais dit la chose qu’à Sancerre ; il m’avait quitté au sortir de la comédie, sans m’en dire la raison ; je me souvins de lui avoir ouï extrêmement louer madame de Tournon : toutes ces choses m’ouvrirent les yeux, et je n’eus pas de peine à démêler qu’il avait une galanterie avec elle, et qu’il l’avait vue depuis qu’il m’avait quitté. Je fus si piqué de voir qu’il me cachait cette aventure, que je dis plusieurs choses qui firent connaître à madame de Tournon l’imprudence qu’elle avait faite ; je la remis à son carrosse, et je l’assurai, en la quittant, que j’enviais le bonheur de celui qui lui avait appris la brouillerie du roi et de madame de Valentinois.

Je m’en allai à l’heure même trouver Sancerre ; je lui fis des reproches, et je lui dis que je savais sa passion pour madame de Tournon, sans lui dire com-