Page:La Fayette, Tencin, Fontaines - Œuvres complètes, Lepetit, 1820, tome 2.djvu/97

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joie d’avoir un portrait de madame de Clèves. Il sentait tout ce que la passion peut faire sentir de plus agréable ; il aimait la plus aimable personne de la cour ; il s’en faisait aimer malgré elle, et il voyait dans toutes ses actions cette sorte de trouble et d’embarras que cause l’amour dans l’innocence de la première jeunesse.

Le soir, on chercha ce portrait avec beaucoup de soin : comme on trouvait la boîte où il devait être, l’on ne soupçonna point qu’il eût été dérobé, et l’on crut qu’il était tombé par hasard. M. de Clèves était affligé de cette perte ; et, après qu’on eut encore cherché inutilement, il dit à sa femme, mais d’une manière qui faisait voir qu’il ne le pensait pas, qu’elle avait sans doute quelque amant caché à qui elle avait donné ce portrait, ou qui l’avait dérobé, et qu’un autre qu’un amant ne se serait pas contenté de la peinture sans la boîte.

Ces paroles, quoique dites en riant, firent une vive impression dans l’esprit de madame de Clèves : elles lui donnèrent des remords : elle fit réflexion à la violence de l’inclination qui l’entraînait vers M. de Nemours ; elle trouva qu’elle n’était plus maîtresse de ses paroles et de son visage ; elle pensa que Lignerolles était revenu, qu’elle ne craignait plus l’affaire d’Angleterre, qu’elle n’avait plus de soupçons sur madame la dauphine, qu’enfin il n’y avait plus rien qui la pût défendre, et qu’il n’y avait de sûreté pour elle qu’en s’éloignant. Mais comme elle n’était pas maîtresse de s’éloigner, elle se trouvait dans une grande extrémité et prête à tomber dans ce qui lui paraissait le plus grand des malheurs, qui était de laisser voir à M. de