Page:La Fayette, Tencin, Fontaines - Œuvres complètes, Lepetit, 1820, tome 3.djvu/110

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Elle passa le jour et la nuit abîmée dans sa triste pensée. Son mari revint le lendemain, et avec lui plusieurs personnes de qualité, à qui il avait fait promettre de le venir voir. Madame de Beaumont était du nombre. Dans toute autre circonstance madame de Granson l’aurait vue avec plaisir : mais madame de Beaumont était sœur de M. de Canaple ; sa présence redoublait l’embarras de madame de Granson. Pour y mettre le comble, elle demanda à son amie des nouvelles de son frère. Madame de Granson répondit, en rougissant et d’un air interdit, qu’il n’était pas dans le château, et se pressa de changer de conversation.

Madame de Beaumont ne fut pas longtemps sans s’apercevoir de la tristesse profonde où son amie était plongée. Ne me direz-vous point, lui dit-elle un jour qu’elle la trouva baignée dans ses larmes, ce qui cause l’affliction où je vous vois ? Je ne le sais pas moi-même, répondit madame de Granson. Madame de Beaumont fit encore quelque instance ; mais elle vit si bien qu’elle augmentait le chagrin de son amie, qu’elle cessa de lui en parler.

Il y avait déjà plusieurs jours que M. de Canaple était absent. M. de Granson lui écrivit pour le presser de revenir. Il en conclut que madame de Granson n’était pas instruite ; et, pressé par le désir de la revoir, il se mit promptement en chemin ; mais, à mesure qu’il approchait, ses espérances s’évanouissaient et sa crainte augmentait, et peut-être serait-il retourné sur ses pas, s’il n’avait été rencontré par un homme de la maison.

Il arriva si troublé, si éperdu, qu’à peine pouvait-il se soutenir. Tout le monde était occupé au jeu.