Page:La Fayette, Tencin, Fontaines - Œuvres complètes, Lepetit, 1820, tome 3.djvu/142

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mais, comme cette indifférence augmentait, elle vit enfin ce qu’elle n’avait pas vu d’abord. Ce fut presque un soulagement pour elle ; il lui semblait qu’elle en était un peu moins coupable à son égard. Délivrée de la nécessité qu’elle s’imposait de l’aimer, elle agissait avec lui d’une manière plus libre et plus naturelle.

Elle ne s’était point précautionnée pour éviter le comte de Canaple, qu’elle croyait loin de Paris. Il la trouva dans la chambre de M. de Granson, lorsqu’il y vint. La surprise et l’embarras de l’un et de l’autre furent extrêmes. M. de Granson en avait aussi sa part ; c’était un caractère faible, toujours tel que les personnes avec qui il vivait voulaient qu’il fût. La présence du comte de Canaple, dont il connaissait la vertu, lui reprochait sa conduite ; il craignait sa sévérité : il eût cependant bien voulu continuer la sorte de vie qu’il menait alors.

Après quelques discours généraux, ces trois personnes, qui ne savaient que se dire, gardèrent le silence. Madame de Granson, avertie qu’elle devait fuir le comte de Canaple, par le peu de répugnance qu’elle avait de le voir, voulut sortir ; mais M. de Granson l’arrêta. Comme il était le plus libre des trois, il se mit à faire des questions à son ami, sur M. de Vienne. Quelque intéressée que fût madame de Granson à cette conversation, la crainte d’adresser la parole à M. de Canaple l’empêchait d’y prendre part. Mais M. de Vienne avait écrit à sa fille et à M. de Granson beaucoup de choses avantageuses du comte de Canaple ; M. de Granson s’empressa de les lui dire, et en prit sa femme à témoin. Il est vrai, dit-elle, en baissant les yeux.