Page:La Fayette, Tencin, Fontaines - Œuvres complètes, Lepetit, 1820, tome 3.djvu/147

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avec la plus grande exactitude : J’eusse souhaité, monsieur, lui dit-elle en prenant le portrait, que vous eussiez bien voulu le remettre à M. de Granson ; mais je ne lui laisserai pas ignorer cette nouvelle marque de votre amitié. Pour finir une conversation qui l’embarrassait, elle se leva dans le dessein de passer chez M. de Granson ; et M. de Canaple n’osa l’y suivre.

Madame de Granson entra dans la chambre de son mari pour lui apprendre ce qui venait de se passer ; mais, lorsqu’il fut question de parler, elle s’y trouva embarrassée. Il lui vint dans l’esprit que c’était tromper M. de Granson, et le tromper de la manière la plus indigne, que de l’engager à quelque reconnaissance pour M. de Canaple. Cette idée, si capable d’alarmer sa vertu, la détermina au silence.

À mesure que la santé de M. de Granson se rétablissait, ses amis se rassemblaient chez lui. Madame de Granson se montrait peu, et se montrait toujours négligée ; mais enfin elle se montrait : il n’était pas possible que sa beauté ne fît impression. M. de Châtillon, quoique engagé, par le caractère qu’il s’était donné dans le monde, de n’être point amoureux, ne put s’empêcher d’en être touché plus sérieusement qu’il n’eût fallu pour son repos. Sa présomption naturelle ne lui laissait pas prévoir de mauvais succès ; il n’avait besoin que d’une occasion de se déclarer : elle aurait été difficile à trouver, si M. de Granson, qui craignait surtout qu’on ne le soupçonnât d’être amoureux et jaloux de sa femme, ne l’avait obligée de demeurer auprès de lui dans le temps qu’il y avait le plus de monde.