Page:La Fayette, Tencin, Fontaines - Œuvres complètes, Lepetit, 1820, tome 3.djvu/197

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à qui je fus confié eurent ordre de ne me laisser parler à personne ; mon père même n’eut pas la liberté de me voir ; et l’on me déclara que je n’en sortirais que lorsque je serais disposé à remplir les engagements que le roi avait pris pour moi.

Quelque dure que fût ma captivité, je souffrais mille fois plus par la pensée de ce que souffrait ma femme. Hélas ! je lui coûterai la vie ! m’écriais-je dans ces douloureux moments ; voilà le fruit de sa tendresse et de sa confiance !

J’avais déjà passé six mois dans ce triste séjour, quand un soldat de la garnison trouva moyen de me glisser une lettre. Je l’ai lue et relue si souvent elle a fait une si forte impression sur mon cœur, qu’il ne m’en est pas échappé une syllabe. Voici ce qu’elle contenait.

« Que viens-je d’apprendre ! vous êtes prisonnier ! Cette nouvelle, qui a pénétré jusque dans ma solitude, a mis le Comble à des maux que je ne soutenais que parce que je les souffrais seule. Hélas ! notre mariage, qui met ma vie et mon honneur dans un si grand péril, me comblait de joie. La pensée que j’étais à vous pour toujours faisait disparaître mes peines. Mais c’est pour moi que vous souffrez ! c’est moi qui vous rends malheureux ! Quelque cruelle que soit cette circonstance, elle n’ajoute cependant rien à ma douleur. Vos maux, indépendamment de ce qui les cause, prennent toute la sensibilité de mon cœur. Ma grossesse, dont il faut que je vous avertisse, va les augmenter encore ; je m’en aperçus quelque temps après votre départ, et, malgré l’embarras de la cacher, j’en conçus de la joie. Je vois présentement toute l’hor-