Page:La Fayette, Tencin, Fontaines - Œuvres complètes, Lepetit, 1820, tome 3.djvu/199

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plus tendre et le mieux mérité me faisait sentir. Je ne comprends pas comment je pus résister à la violence de ma douleur ; je crois qu’il n’y en a jamais eu de pareille. Les partis les plus extrêmes se présentèrent à moi ; et, si je n’avais été retenu par ce que je devais à ma femme, je m’y serais abandonné.

Je comptais continuellement le temps où elle devait accoucher ; ce temps, qui ne pouvait être éloigné, me remplissait de frayeur ; les images les plus affreuses se présentaient continuellement à moi ; le peu de moments que l’accablement me forçait de donner au sommeil en étaient troublés ; je me réveillais hors de moi-même, et toujours baigné dans mes larmes ; je ne pouvais rien dans ma prison ; je ne pouvais même instruire mon père, qui ne nous aurait pas abandonnés.

Je fis plusieurs tentatives pour me sauver ; aucune ne réussit : il est vrai que cette occupation était une espèce d’adoucissement à ma peine, et que les heures que j’employais à détacher les pierres du mur, ou à ébranler le fer qui tenait à mes fenêtres, étaient moins difficiles à passer ; mais le peu de succès de mon travail me rejetait ensuite dans un nouveau désespoir ; je sentais que je ne pouvais plus en supporter la violence, quand les nouvelles d’Écosse qui arrivèrent changèrent la face de mes affaires.

La même politique qui avait fait désirer au roi d’unir les principales familles d’Angleterre et d’Écosse, en avait détourné les Écossais, toujours occupés du dessein de secouer le joug des Anglais. Mademoiselle d’Hamilton, qui m’était destinée, venait d’être mariée à milord Barclay, le plus grand partisan de la liberté écossaise.