Page:La Fayette, Tencin, Fontaines - Œuvres complètes, Lepetit, 1820, tome 3.djvu/246

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à madame de Granson ; mais on n’a jamais trop de sûreté sur ce qui intéresse vivement le cœur ; aussi l’écoutait-elle avec beaucoup d’attention et de plaisir. Pour M. de Canaple, uniquement occupé de la voir, de l’entendre, de l’admirer, il ne prenait que peu de part à la conversation.

La présence de M. de Vienne, que milord d’Arondel avait trouvé chez la reine, et qui parut alors, vint le tirer de cet état heureux, et lui donner une inquiétude et un trouble comparable au plus grand qu’il eût jamais éprouvé. Ce moment allait décider de son sort.

Madame de Granson, dès qu’elle aperçut son père, alla se jeter à ses genoux, si pleine de crainte et de confusion, qu’il ne lui fut pas possible de prononcer une parole ; mais les larmes qu’elle répandait sur les mains de M. de Vienne parlaient pour elle.

Je ne vous fais aucun reproche, ma chère fille, lui dit-il en l’embrassant ; le succès de votre entreprise l’a justifiée. Je me plains seulement de M. de Canaple, qui voulait me dérober, et à toute la terre, la connaissance d’une action aussi généreuse que la sienne, et qui m’a laissé ignorer des sentiments que je lui ai souhaités plus d’une fois. Il eût fallu, monsieur, pour prendre la liberté de vous parler, répliqua M. de Canaple, en être avoué, et je n’oserais même parler aujourd’hui.

Je crois pourtant, dit M. de Vienne, que je ne ferai pas un usage tyrannique de mon pouvoir, en ordonnant à ma fille de vous regarder comme un homme qui sera dans peu son mari. Ah ! monsieur, s’écria M. de