Page:La Fayette, Tencin, Fontaines - Œuvres complètes, Lepetit, 1820, tome 3.djvu/260

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exagéra les avantages de sa naissance, et n’épargna point les traits les plus piquants sur la mienne. Pendant ce temps-là, j’avais les yeux baissés ; je ne savais que faire de toute ma personne : je sentais confusément du dépit, de la colère et de la honte. Ce que j’entendais m’était tout nouveau, et me faisait naître des idées qui étonnaient mon petit orgueil.

Une religieuse plus raisonnable que les autres, et véritablement raisonnable, vint me tirer de cette embarrassante situation, et m’emmena dans sa chambre. Dès que nous y fûmes, je me mis à pleurer de tout mon cœur. Savez-vous ce qu’il faut faire, me dit la religieuse ? il faut, au lieu de pleurer, être bien aise de n’avoir point de tort. Hélas ! non, je n’en ai aucun, répondis-je en continuant de pleurer ; si ma gouvernante ne m’en avait empêchée, je me serais mise ailleurs, et je n’aurais pas le chagrin que j’ai ; ce qui me fâche, c’est que les pensionnaires qui me font le plus de caresses étaient bien aises de me voir mortifiée. Que veut dire mademoiselle de Renonville, que je lui dois du respect ? pourquoi lui en devrais-je ? Vous ne lui en devez point aussi, répondit la religieuse ; mais elle est fille de qualité, et vous ne l’êtes pas.

Ces distinctions étaient toutes nouvelles pour moi ; mais, par une espèce d’instinct, je craignais d’en demander l’explication. Eugénie (c’était le nom de la religieuse) n’attendit pas mes questions. Vous avez le cœur bon, me dit-elle, et je vous crois l’esprit assez avancé pour être capable de ce que j’ai à vous dire. On ne vous a mis jusqu’ici que des idées fausses dans la tête, et il faut vous en défaire.