Page:La Fayette, Tencin, Fontaines - Œuvres complètes, Lepetit, 1820, tome 3.djvu/330

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voulait, dans toutes ses démarches, mettre le public dans ses intérêts ; et il y avait si bien réussi, que personne ne jouissait d’une réputation plus entière ; le marquis de la Valette, au contraire, ne faisait cas de la réputation qu’autant qu’elle était appuyée du témoignage qu’il se rendait à lui même ; il faisait ce qu’il croyait devoir faire, et laissait juger le public : c’était l’homme du monde le plus aimable, quand il le voulait ; mais il ne voulait plaire qu’à ceux qui lui plaisaient.

Mademoiselle d’Essei avait beaucoup d’inclination pour lui, et le traitait par-là plus froidement que son rival ; il en était désespéré. Est-il possible, mademoiselle, lui dit-il un jour, que la situation où je suis, qui m’afflige si sensiblement, de ne pouvoir vous offrir une fortune dont je ne puis encore disposer, soit un bien pour moi ! Oui, mademoiselle, je serais désespéré, si vous refusiez l’offre de ma main ; et je vois que vous la refuseriez, si j’étais en concurrence avec le comte de Blanchefort.

Mademoiselle d’Essei n’était pas en garde contre les reproches du marquis de la Valette ; elle n’écouta, dans ce moment, que son penchant pour lui : Non, lui dit-elle, avec un souris plein de charmes, vous ne croyez point qu’il fût préféré.

La joie qu’elle vit dans les yeux du marquis de la Valette, l’avertit de ce qu’elle venait de dire ; elle en fut honteuse. Il avait trop d’esprit, pour ne pas s’apercevoir de cette honte, et pour l’augmenter encore par des remerciements. Il crut avoir beaucoup obtenu, et ne chercha point à prolonger une conversation dont il sentait bien que mademoiselle d’Essei était embarrassée.