Page:La Fayette, Tencin, Fontaines - Œuvres complètes, Lepetit, 1820, tome 3.djvu/334

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autre motif acheva de la déterminer, le plaisir d’être d’un rang égal à celui de mademoiselle de Magnelais. La différence que leur naissance avait mise entre elles ne l’avait point touchée jusque-là ; mais elle en était humiliée depuis qu’elle savait l’amour du marquis de la Valette. Le procédé de M. de Blanchefort, où il paraissait tant de noblesse, lui faisait encore mieux sentir l’injuste préférence qu’elle avait donnée à son rival, et la disposait encore plus favorablement pour lui.

Cependant, avant que de prendre aucun engagement, elle voulut lui représenter les raisons qui pouvaient s’opposer à leur mariage. Vous savez, lui dit-elle, le peu que je suis ; songez qu’un homme de votre rang doit, en quelque façon, compte au public de ses démarches ; celle que vous voulez faire en ma faveur sera sûrement désapprouvée. Je me flatte que ma conduite vous justifiera autant que vous pouvez l’être ; mais c’est un moyen lent ; et, en attendant qu’il ait quelque succès, vous serez exposé à des choses désagréables : on n’osera vous parler de votre mariage, et ce sera vous le reprocher ; vous ne trouverez peut-être plus dans le monde les mêmes agréments que vous y avez trouvés jusqu’ici.

Eh ! pourquoi ne les y trouverais-pas, répondit le comte de Blanchefort ? Je travaille, il est vrai, pour mon bonheur ; mais je fais une action digne de louange, de partager ma fortune avec la personne du monde la plus estimable. Les actions les plus vertueuses, répliqua mademoiselle d’Essei, sont dégradées quand on croit que l’amour y a part : je vous le demande, et pour vous et pour moi ; ne précipitez rien ; pour donner