Page:La Fayette, Tencin, Fontaines - Œuvres complètes, Lepetit, 1820, tome 3.djvu/367

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la Valette ? Serais-je en même temps le plus heureux et le plus malheureux des hommes ? Non, poursuivit-il en la regardant de la manière la plus tendre, je ne renoncerai point à des prétentions que votre cœur semble ne pas dédaigner. J’avoue, répliqua mademoiselle de Joyeuse, que, si je l’avais écouté, il n’eût parlé que pour vous. Il faut vous avouer plus, ajouta-t-elle ; ce fut pour me venger de vous, dont je croyais avoir été trompée, que je me précipitai dans l’abyme des malheurs où je suis tombée. Accordez-moi donc, interrompit le marquis de la Valette, la gloire de les réparer. C’est assez pour moi, répliqua mademoiselle de Joyeuse, que vous ayez pu en concevoir l’idée ; mais j’en serais bien indigne si j’étais capable de m’y prêter. Quand ma funeste aventure serait ignorée de toute la terre, quand j’aurais une certitude entière que vous l’ignoreriez toujours, il me suffirait de la savoir, il me suffirait de la nécessité où je serais de vous cacher quelque chose, pour empoisonner le repos de ma vie.

Ah ! dit le marquis de la Valette avec beaucoup de douleur, je me suis flatté trop légèrement, et vous-même vous vous êtes trompée ; vous avez cru me vouloir quelque bien, seulement parce que je ne vous suis pas aussi odieux que M. de Blanchefort. Il serait à souhaiter pour mon repos, reprit-elle, que je fusse telle que vous le pensez : croyez cependant que l’oubli des injures que j’ai reçues n’est pas le seul sacrifice que j’aie à faire à Dieu en me donnant à lui. Il faut, ajouta-t-elle, finir une conversation trop difficile à soutenir pour l’un et pour l’autre. Adieu, monsieur, je vais faire des vœux au ciel