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LIVRE QUATRIÉME.

Gardez-vous sur vostre vie
D’ouvrir que l’on ne vous die,
Pour enseigne et mot du guet,
Foin du Loup et de sa race.
Comme elle disoit ces mots,
Le Loup de fortune passe.
Il les recüeille à propos,
Et les garde en sa memoire.
La Bique, comme on peut croire,
N’avoit pas veu le glouton.
Dés qu’il la void partye, il contrefait son ton ;
Et d’une voix papelarde,
Il demande qu’on ouvre, en disant foin du Loup,
Et croyant entrer tout d’un coup.
Le Biquet soupçonneux par la fente regarde.
Montrez-moy pate blanche, ou je n’ouvriray point,
S’écria-t-il d’abord (pate blanche est un point
Chez les Loups comme on sçait rarement en usage.)
Celuy-cy fort surpris d’entendre ce langage,
Comme il estoit venu s’en retourna chez soy.
Où seroit le Biquet s’il eust ajoùté foy
Au mot du guet que de fortune
Nostre Loup avoit entendu ?
Deux seuretez valent mieux qu’une ;
Et le trop en cela ne fut jamais perdu.



Ce Loup me remet en mémoire
Un de ses compagnons qui fut encor mieux pris.
Il y périt ; voicy l’Histoire.
Un villageois avoit à l’écart son logis.
Messer Loup attendoit chape-chute à la porte.
Il avoit veu sortir gibier de toute sorte ;
Veaux de lait, Agneaux et Brebis,
Regimens de Dindons, enfin bonne Provende.
Le Larron commençoit pourtant à s’ennuyer.
Il entend un enfant crier.