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FABLES CHOISIES.

Ne point celer sa maladie ;
Luy Loup gratis le gueriroit.
Car le voir en ceste prairie
Paistre ainsi sans estre lié,
Témoignoit quelque mal selon la Medecine.
J’ay, dit la Beste chevaline,
Une apostume sous le pied.
Mon fils, dit le Docteur, il n’est point de partie
Susceptible de tant de maux.
J’ay l’honneur de servir Nosseigneurs les Chevaux,
Et fais aussi la Chirurgie.
Mon galand ne songeoit qu’à bien prendre son temps
Afin de haper son malade.
L’autre qui s’en doutoit luy lasche une ruade
Qui vous luy met en marmelade
Les mandibules et les dents.
C’est bien fait (dit le Loup en soy-mesme fort triste)
Chacun à son métier doit toûjours s’attacher.
Tu veux faire icy l’Arboriste,
Et ne fus jamais que Boucher.




IX.
LE LABOUREUR ET SES ENFANS.



Travaillez, prenez de la peine.
C’est le fonds qui manque le moins.
Un riche Laboureur sentant sa mort prochaine,
Fit venir ses enfans, leur parla sans témoins.
Gardez-vous, leur dit-il, de vendre l’heritage
Que nous ont laissé nos parens.
Un tresor est caché dedans.
Je ne sçais pas l’endroit ; mais un peu de courage
Vous le fera trouver, vous en viendrez à bout.