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A MADAME

DE MONTESPAN.




L’apologue est un don qui vient des immortels ;
Ou si c’est un present des hommes,
Quiconque nous l’a fait merite des Autels.
Nous devons tous tant que nous sommes
Eriger en divinité
Le Sage par qui fut ce bel art inventé.
C’est proprement un charme ; il rend l’ame attentive,
Ou plustost il la tient captive,
Nous attachant à des recits
Qui meinent à son gré les cœurs et les esprits.
O vous qui l’imitez, Olimpe, si ma Muse
A quelquefois pris place à la table des Dieux,
Sur ses dons aujourd’huy daignez porter les yeux,
Favorisez les jeux où mon esprit s’amuse.
Le temps qui détruit tout, respectant vostre appuy
Me laissera franchir les ans dans cet ouvrage :
Tout Auteur qui voudra vivre encore apres luy,
Doit s’acquerir vostre suffrage.
C’est de vous que mes vers attendent tout leur prix :
Il n’est beauté dans nos écrits
Dont vous ne connoissiez jusques aux moindres traces ;
Eh ! qui connoist que vous les beautez et les graces ?