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LIVRE HUITIÉME.

Des Fables de ma façon ;
Or d’aller luy dire, Non,
Sans quelque valable excuse.
Ce n’est pas comme on en use
Avec des Divinitez,
Sur tout quand ce sont de celles
Que la qualité de belles
Fait Reines des volontez.
Car afin que l’on le sçache
C’est Sillery qui s’attache
A vouloir que de nouveau
Sire Loup, Sire Corbeau
Chez moy se parlent en rime.
Qui dit Sillery, dit tout ;
Peu de gens en leur estime
Luy refusent le haut bout ;
Comment le pourroit-on faire ?
Pour venir à nostre affaire,
Mes contes à son avis
Sont obscurs ; Les beaux esprits
N’entendent pas toute chose :
Faisons donc quelques récits
Qu’elle déchifre sans glose.
Amenons des Bergers et puis nous rimerons
Ce que disent entre eux les Loups et les Moutons.
Tircis disoit un jour à la jeune Amaranthe ;
Ah ! si vous connoissiez comme moy certain mal
Qui nous plaist et qui nous enchante !
Il n’est bien sous le Ciel qui vous parust égal :
Souffrez qu’on vous le communique ;
Croyez-moy ; n’ayez point de peur ;
Voudrois-je vous tromper, vous pour qui je me pique
Des plus doux sentiments que puisse avoir un cœur ?
Amaranthe aussi-tost replique :
Comment l’appellez-vous ce mal ? quel est son nom ?
L’amour. Ce mot est beau : Dites-moy quelque marque
A quoy je le pourray connoistre : que sent-on ?
Des peines prés de qui le plaisir des Monarques